Chères consoeurs, cher confrères
Vous souhaitez savoir si un masseur-kinésithérapeute peut accueillir en stage des étudiants, en particulier issus d’instituts de formation étrangers et à quelles conditions.
Dans l’attente de la diffusion prochaine de l’avis rendu par le conseil national les 24 et 25 juin derniers, vous trouverez, ci-après, l’analyse juridique sur ce sujet.
Les masseurs-kinésithérapeutes, au même titre que tous les auxiliaires médicaux, peuvent accueillir, pour des stages à finalité pédagogique nécessitant leur présence constante, des étudiants (article L. 4381-1 du code de la santé publique ). En outre, le décret d’actes dispose que le masseur-kinésithérapeute participe à différentes actions d’éducation, en particulier la formation initiale et continue des masseurs-kinésithérapeutes et la contribution à la formation d’autres professionnels (article R. 4321-13 du code de la santé publique).
Il convient de noter que ces dispositions sont larges : la mission dévolue aux masseurs-kinésithérapeutes d’accueillir des étudiants en stage n’est pas réservée aux seuls étudiants des instituts de formation établis en France.
- Etudiants des instituts de formation en masso-kinésithérapie établis en France
Les stages des étudiants en masso-kinésithérapie issus des instituts de formation autorisés pour la préparation du diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute sont organisés par une pluralité de textes réglementaires :
- le déroulé ainsi que la durée de ces stages sont encadrés par le décret n°2011-565 du 23 mai 2011 et l’arrêté du 5 septembre 1989 (modifié par l’arrêté du 23 mai 2011) relatifs aux études préparatoires et au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute ;
- en outre, les dispositions générales du code de l’éducation s’appliquent (articles L124-1 et suivants et D. 124-1 et suivants).
Ainsi, les terrains de stage doivent être agréés par le directeur de l'institut de formation. Les stages doivent être intégrés au cursus pédagogique et faire l'objet d'une convention de stage conclue entre l’institut de formation, le stagiaire et l'organisme d'accueil, laquelle doit comporter les mentions obligatoires fixées à l’article D. 124-4 du code de l’éducation.
En outre, en application de l’article R. 4321-52 du code de la santé publique, les étudiants préparant le diplôme d’Etat de masseur-kinésithérapeute sont soumis à l’ensemble des devoirs généraux et des devoirs envers les patients énoncés par le code de déontologie des masseurs-kinésithérapeutes, et notamment au respect du secret professionnel. Le masseur-kinésithérapeute doit veiller en effet à ce que les personnes qui l'assistent dans son exercice soient instruites de leurs obligations en matière de secret professionnel et s'y conforment. Il veille en particulier à ce qu'aucune atteinte ne soit portée par son entourage au secret qui s'attache à sa correspondance professionnelle (article R. 4321-115 du code de la santé publique).
- Etudiants des établissements de formation établis dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un pays tiers
- Ressortissants de l’Union européenne
Les stages des ressortissants de l’Union européenne sont régis, non pas par le code de la santé publique, mais par le code de l’éducation nationale (articles L 124-1 et suivants précités), ainsi que par les stipulations des programmes d’échanges dont ils peuvent bénéficier.
Le stage doit être intégré au cursus universitaire et réalisé dans le cadre d’une convention de stage tripartite qui doit comporter les mentions fixées à l’article D. 124-4 du code de l’éducation précité.
- Ressortissants de pays tiers
D’une façon générale, le séjour d’un stagiaire étranger en France est encadré par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’alise (CESEDA).
Est considéré comme « stagiaire étranger » celui qui vient en France pour effectuer un stage en entreprise, dans le cadre soit d’une formation organisée dans son pays de résidence qui conduit à la délivrance d’un diplôme et qui relève d’un cursus scolaire ou universitaire, soit d’une formation professionnelle, soit d’un programme de coopération de l’Union européenne ou intergouvernemental dans les domaines de l’éducation, de la formation, de la jeunesse ou de la culture (article R. 313-10-1 du CESEDA).
L’article L313-7-1 du CESEDA exige la possession d’une carte de séjour temporaire. Pour ce faire, l’étudiant étranger doit répondre aux conditions suivantes :
- Disposer d’un montant minimum de ressources pour vivre durant son séjour sur le territoire français.
Cette condition de ressources est présumée remplie pour le stagiaire attestant qu'il bénéficie d'un programme de coopération de l'Union européenne ou intergouvernemental ;
- Justifier d'une convention de stage visée par le préfet.
Cette convention, conclue entre l’étudiant stagiaire, son établissement de formation et l’entreprise d’accueil, doit décrire le parcours pédagogique qui fait l’objet d’un suivi et d’un encadrement par un maître de stage nommément désigné, et doit comporter les mentions fixées à l’article D. 124-4 du code de l’éducation précité.
La convention doit par ailleurs être revêtue du visa du préfet du département dans lequel le stage se déroule à titre principal.
A ce sujet, il convient d’alerter les masseurs-kinésithérapeutes qui souhaiteraient accueillir en stage un étudiant étranger sur le fait qu’il leur appartient d’accomplir auprès du préfet de département les formalités de visa de la convention de stage (article R. 313-10-4 du CESEDA). Pour ce faire, le masseur-kinésithérapeute doit transmettre la convention de stage au préfet (services de la Direccte), par LRAR, au moins 2 mois avant la date de début du stage.
Le préfet vise la convention de stage dans les 30 jours suivant sa réception ; il la transmet au stagiaire étranger et en informe la personne qui la lui a transmise.
Le préfet refusera de viser la convention en cas d’envoi tardif de la convention (au-delà du délai de 2 mois avant le début du stage), en l’absence d’un institut de formation, si la réalité du projet de stage n'est pas établie, si la convention de stage comporte des clauses irrégulières, ou lorsque l'entreprise d'accueil ne respecte pas la législation relative au travail ou à la protection sociale. Dans ce cas, il notifie sa décision de refus à l'étudiant étranger et renvoie la convention à la personne qui la lui a transmise.
Le silence gardé pendant 30 jours par le préfet vaut décision de rejet.
Les délais précités sont ramenés à respectivement 1 mois et 15 jours lorsque le stage relève d'un programme de coopération de l'Union européenne ou intergouvernemental.
Lorsque le stage relève d’une formation professionnelle, la durée du stage ne peut excéder 6 mois, renouvellement inclus. Dans les autres cas (stage s’inscrivant dans un programme intergouvernemental ou un cursus pédagogique), la durée est celle prévue par la réglementation du programme ou du cursus.
Le statut de stagiaire est incompatible avec celui de salarié (article R. 313-10-3 du CESEDA). Les stagiaires étrangers ressortissants d’un Etat tiers ne sont en principe pas autorisés à se maintenir sur le territoire français à l’issue de leur stage. Les services préfectoraux sont très attentifs pour ne pas permettre un détournement de l’objet du stage qui constituerait une période d’essai déguisée.
La convention de stage et les éléments de preuve du visa par le préfet doivent être présentés à toute demande des agents de contrôle (inspecteurs et contrôleurs du travail, officiers et agents de police judiciaires, agents des organismes de sécurité sociale, …).
L'administration considère qu'en cas de stage de moins de 3 mois, l'étranger n'est pas tenu de solliciter un visa long séjour. Il accomplit par conséquent son stage sous couvert d'un visa court séjour délivré par le consulat de France de son pays de résidence, au vu de la convention de stage visée par le préfet. L’étudiant n’est toutefois pas tenu par cette formalité de visa s’il est de nationalité européenne, suisse ou d’une nationalité dispensée de visa Schengen (Andorre, Canada, Israël, Monaco, …).
L'administration a apporté plusieurs précisions sur les régimes spécifiques des ressortissants algériens et canadiens :
- les ressortissants algériens ont un statut entièrement régi par un accord du 27 décembre 1968.
- les ressortissants canadiens n’ont pas à soumettre leur convention de stage à l’agrément préfectoral aux termes de l’accord du 3 octobre 2003. Il en va de même pour les bénéficiaires des programmes d’échanges de jeunes de l’Office franco-québécois pour la jeunesse.
- Préconisations
Seuls les étudiants préparant le diplôme d’Etat de masseur-kinésithérapeute sont soumis au code de déontologie. En cas de non respect de leurs obligations déontologiques, ils encourent des sanctions disciplinaires.
Tel n’est pas le cas pour les étudiants stagiaires étrangers. Or, il est primordial que le masseur-kinésithérapeute qui souhaiterait accueillir un stagiaire étranger s’assure que ce dernier respectera les principes de moralité, de probité et de responsabilité indispensables à l’exercice de la masso-kinésithérapie et qui guident la prise en charge des patients. Aussi, il est fortement recommandé qu’il sollicite l’inscription, dans la convention de stage, de clauses reprenant les devoirs généraux et les devoirs envers les patients fixés par le code de déontologie (articles R. 4321-51 à R. 4321-98 du code de la santé publique).
- Stages auprès d’un masseur-kinésithérapeute libéral conventionné
La convention nationale dispose que « pour être prises en charge dans le cadre de la convention, les prestations de masso-kinésithérapie doivent être facturées à l’acte et exécutées par un professionnel libéral conventionné » (article 3.1 de l’arrêté du 10 mai 2007) et que le masseur-kinésithérapeute « ne donne l’acquit que pour les actes qu’il a accomplis personnellement et pour lesquels il a perçu l’intégralité des honoraires dus, réserve faite des dispositions du point 3.3.6 » (article 3.3.5).
Il est préconisé que le masseur-kinésithérapeute qui accueille un stagiaire et lui permet de pratiquer des actes de kinésithérapie en informe l’assurance maladie.
- Communication à l’ordre des conventions de stage
L’article L. 4113-9 du code de la santé publique dispose que tout contrat ayant pour objet l’exercice de la profession de masseur-kinésithérapeute doit être communiqué au conseil départemental de l’ordre pour qu’il en vérifie la conformité avec le code de déontologie. Dans la mesure où un masseur-kinésithérapeute accueille et encadre un étudiant stagiaire qui effectuera à ses côtés des actes de masso-kinésithérapie, la convention de stage doit être communiquée, conformément à l’article L. 4113-9 précité.
En conclusion, si des textes spécifiques à la masso-kinésithérapie encadrent les stages réalisés par les étudiants des IFMK préparant au diplôme d’Etat de masseur-kinésithérapeute, aucune disposition n’interdit pour autant à un masseur-kinésithérapeute d’accueillir en stage des étudiants issus d’organismes de formation établis dans un autre pays (Etat membre de l’Union européenne ou pays tiers). Selon le pays, des formalités de visa devront être accomplies.
Dans tous les cas, le stage doit s’inscrire dans une convention qui devra être communiquée au conseil départemental pour qu’il en vérifie la conformité au code de déontologie.
Enfin, votre attention est attirée sur le fait que les stages ont nécessairement pour but de faire réaliser des actes de masso-kinésithérapie par des personnes qui ne sont pas titulaires du diplômes d’Etat, ni d’une autorisation d’exercice. Or, à ce jour, la loi ne prévoit pas de dérogation pour les étudiants stagiaires. C’est pourquoi, il a été proposé dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre système de santé de compléter la loi sur ce point afin de définitivement sécuriser la situation des étudiants en masso-kinésithérapie qui réalisent des stages cliniques au cours desquels ils prennent en charge progressivement les patients au moyen des actes professionnels enseignés.